Se situer

Point de vue

Véronique Bonnal-Lordon a mis en évidence, dans une re­cherche pré­cédente[1], que pour accéder à la représentation d’un point de vue autre que le sien, il faut que le sujet conçoive la pers­pective en tant que telle. C’est-à-dire qu’il analyse son propre point de vue et qu’il en détermine les varia­tions selon les déplace­ments, réels ou vir­tuels, effectués. Il s’agit donc pour lui, de se détacher du monde vi­suel qui amène à une perception glo­bale de la situation, pour se foca­liser sur un champ visuel spéci­fique, parti­culier à sa position. Il doit donc par­venir à la diffé­renciation perceptive de l’en­semble de ses points de vue propres, pour pouvoir accéder à des points de vue spéci­fiques (vue de des­sus par exemple).

 Selon pour nous, les difficultés observées dans les tâches à ca­rac­tère spa­tial nécessitant la coordination des points de vue (telle la lec­ture ou la pro­duction de plans) ne ressortent pas d’une inca­pacité à se décentrer de son point de vue propre, mais plutôt d’une incapacité à générer une représenta­tion complète d’un point de vue spécifique. Pour être com­plète, cette re­présen­tation doit à la fois contenir des informations per­ceptives, ver­bales et imagées, organi­sées.

Avant de doter le signifiant graphique de l’espace (plan, schéma) des élé­ments pertinents de la réalité qu’il est censé re­pré­senter, il faut au préa­lable avoir actualisé, mobilisé les des­cripteurs, les ca­rac­té­ris­tiques de ce réel. Et comment mieux le faire qu’en s’ap­puyant sur son point de vue propre ?
C’est ce qui est privilégié au cours des diverses activités de for­ma­tion. Parce que la formation est organisée pour agir sur la ri­chesse des représentations du point de vue propre, non seule­ment sur les ob­jets, mais aussi sur le sujet lui-même, elle facilite l’accès aux points de vue spéci­fiques. De plus cette compétence, révélée par les représen­tations gra­phi­ques, se générali­se à toutes les activi­tés où cette capacité est néces­saire pour agir.

Nous ab­ser­vons que, parallèlement à l’évolution que nous consta­tons sur les repré­sentations graphiques, les sujets de­vien­nent plus compétents dans les tâches qu’ils accomplis­sent. Ils s’orga­ni­sent mieux. Ils prévoient. Les comporte­ments impulsifs sont moins fréquents. Leurs actions sont de plus en plus adap­tées à l’évolu­tion de la situation.

De plus, ils deviennent capables de calculer la quantité de pein­ture (volume et poids), de rouleaux de papier peint (nombre de lés) ou de carrelage (posé en diagonale sur un sol dont les cô­tés ne sont pas pa­rallèles, par exemple) nécessaires pour telle ou telle sur­face qu’ils ont mesurée et reportée, en plan à l’échelle, sur une feuille A4. C’est-à-dire qu’ils font preuve d’utilisations de connaissances, mathéma­tiques pour ces exemples, que la for­mation ne leur a pas spécifiquement ap­portées, qu’ils avaient déjà mais qu’ils ne sa­vaient pas utiliser ou qu’ils avaient “ou­bliées”, si on en croit leurs premières performances.

En quoi la constitution de repères permet-elle de rendre compte de cette évolution ?

C’est ce que nous allons étudier maintenant, page suivante.

 


[1] Lordon V., 1988 (cf. bibliographie)