Pratiques pédagogiques

Étapes de la formation et démarches pédagogiques

Résumé :

Contrairement à ce à quoi on pou­vait s’attendre, les éva­luations-bi­lans, réalisés durant les premières se­maines, ne sont pas utilisés pour construire la suite de la formation.
L’investigation nous a permis de mettre en évidence que les te­nants de cette formation s’appuyaient sur trois pôles : l’orientation pédago­gique générale, l’at­titude des forma­teurs dans les situations des sta­giaires, et le déve­loppement de la compétence à “se si­tuer”.

L’orientation principale et le tra­vail de forma­tion re­pose sur la trans­formation des représen­tations des sujets tant en ce qui concerne leurs compé­tences pro­fession­nelles que leur rapport au monde du tra­vail et à la “réalité”. Pour ac­céder à ces re­présenta­tions nouvelles, les actions didac­tiques sont menées en s’appuyant à la fois sur la trans­for­mation du fonc­tion­­nement cognitif, consi­déré comme moteur des chan­ge­ments, et sur la dy­namique in­duite par la situation de groupe, constitutive des changements af­fec­tifs.

Le recours aux outils “clas­siques” de bilan en for­ma­tion d’adul­te pose de nombreux pro­blèmes. Seul un bi­lan/diagnostic appro­fon­di, une observation indivi­duali­sée et une approche globale de la per­sonne peut avoir un inté­rêt. Très coûteuse en temps et en moyens, elle est d’of­fice hors de portée des organismes de for­ma­tion s’occu­pant des pu­blics de l’exclu­sion. De plus, les conclu­sions aux­quelles ces ap­proches peuvent me­ner ne sont pas d’em­blée opération­nalisables par les forma­teurs. Alors, quelle démar­che adop­ter en stage, pour qu’à la fois l’évaluation ne renvoie pas au manque et à l’échec, et qu’elle per­met­te de don­ner un sens à la for­ma­tion qui va suivre ?

L’étape initiale –  C’est en enga­geant le processus de for­mation dès la phase initiale que l’équipe de “Médiation” résout ces pro­blèmes. Cette phase cons­ti­tue l’étape struc­tu­rante sur laquelle s’articule­ront les ac­tivités de forma­tion et par rapport à la­quelle elles vien­dront prendre sens. Cette pé­riode vise les buts sui­vants : per­mettre des points de vue diffé­rents sur chaque sta­giaire – per­mettre aux stagiaires de se si­tuer par rap­port aux autres en faisant valoir son expé­rience, ses compétences ou ses connaissances – amener cha­cun à se situer par rap­port aux compé­tences à acqué­rir – faire prendre conscience de ses ca­pacités à apprendre et des diffé­rentes modalités dans lesquelles elles s’exercent, c’est-à-dire avoir un regard sur son propre fonction­ne­ment cognitif.

La démarche d’évaluation – Les exercices faits par les sta­giaires sont rendus sans correction accompa­gnés d’une grille d’auto-évalua­tion. Parmi les exer­cices qui ont été auto-éva­lués comme “non-sus”, chaque stagiaire doit en choisir au moins deux qu’il “pense pouvoir arri­ver à faire en révisant un peu”. Ensuite, parmi les exer­cices réussis et auto-évalués comme tels, on choisit pour chaque sta­giaire une sorte de “pôle d’excellence”. Chacun à leur tour, ils expo­seront leur méthode de ré­so­lution. Il ne s’agit pas seu­lement de donner la bonne ré­ponse, le bon résul­tat, mais d’expli­citer comment on a fait et éventuel­le­ment de ré­pondre aux questions. A la fin de la séance, on fait le point sur un “contrat”: cha­cun s’engage à de­ve­nir capable de faire tel ou tel type d’exercice lors de la prochaine séance. Les résultats “vrais” et l’au­to-évalua­tion sont confrontés. De nou­veaux exercices ana­logues sont proposés et les stratégies utili­sées pour surmonter les obstacles sont verbali­sées.
Du point de vue de la formation, la démarche favo­rise l’émer­gence d’un sentiment de compétence sur le plan du fonctionne­ment cognitif, qui permettra aux compétences pro­fessionnelles de s’ins­taller.

La formation générale –  La briè­veté du temps de for­ma­tion ne per­met pas les “mises à niveau”. La no­tion de disci­pline s’es­tompe au profit de la notion d’“outils” : outils ma­thématiques utili­sés dans la pro­fession, connais­sances tech­niques et technolo­giques, outils de communi­cation orale et écrite, connaissances sur l’envi­ronnement. La liaison entre les activi­tés de chantier et l’ac­quisition des connaissances est main­tenue étroite­ment.

La formation professionnelle –  Selon les types de stages, elle est or­ganisée sous forme de “mo­dules pro­fes­sionnali­sants” ou sous forme de chantier-école. Les sta­giaires sont ainsi confrontés aux vraies exi­gences de la profession. Le dé­ve­loppement des sa­voir-faire en gran­deur réelle permet une meilleure évaluation des résultats dans un champ de contraintes qui n’est pas artificiel. Ils sont organisés en équi­pes autonomes de quatre per­sonnes, ayant chacun une partie de chantier en propre à gérer de A à Z. En mi­lieu de chaque se­maine, avant de re­prendre les activités “papier-crayon”, un bilan des tra­vaux est mené en groupe, avec une éva­lua­tion sur la qua­lité des réalisations, sur les problèmes rencon­trés et sur les solutions ap­portées.
C’est dans un environnement au plus prés des condi­tions ordi­naires que cette formation prend son sens.
L’alternance en entreprise et les techniques de re­cher­che d’emploi (TRE) –  Le stage en entreprise per­met au stagiaire de mettre en œuvre les compétences nou­velle­ment ac­qui­ses. Avoir “un pied” dans l’en­treprise est un puissant fac­teur de dynamisa­tion pour la re­cherche d’em­ploi, ainsi qu’une aide à la re­prise de confiance en soi par la vali­dation de ses com­pétences en milieu pro­fessionnel.

La démarche pédagogique –  Elle se caractérise par les cinq principes sui­vants : complexité des tâches, fa­cilita­tion et prise de conscience, communication, constitution de re­pères, restauration narcissique. Il est nécessaire de proposer des si­tua­tions où les di­men­sions sont nom­breuses pour que tous soient en me­sure de mobiliser et d’actualiser les compé­tences dont ils dis­posent, en fonc­tion de ce qu’ils identi­fieront comme des éléments connus ou re­connus. C’est parce qu’elles sont complexes que les tâches peu­vent être do­tées de sens par les sujets et qu’elles permettent l’éla­boration de re­présentations, d’an­ticipations et de plani­fi­ca­tions des actions.

Cette démarche produit des effets observables sur le fonc­tion­nement et le comportement des stagiaires en très peu de temps. La période de bi­lan, pourtant d’une durée de deux se­maines seule­ment, per­met déjà d’ob­server des évolutions impor­tantes.

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