Représentation fonctionnelle de la conduite

 

C’est G. Vergnaud qui a mis en évidence le rôle opératoire des re­pré­sen­tations.
En effet, pour lui, le rôle de la représentation est de conceptualiser le réel pour agir efficacement dans le cadre des attentes du sujet et des effets produits à partir des signifiants uti­lisés par le sujet, des signifiés qu’il élabore et des schèmes qu’il uti­lise ou construit.
Les représentations se forment, se valident et se transforment dans l’interaction du sujet avec le réel.
L’aspect fonctionnel de la représentation est lié au rôle qu’elle joue dans le réglage de l’action et des attentes du sujet. Par celles-ci le sujet élabore et corrige ses représentations.

On peut, schématiquement, illustrer le processus d’élaboration de la re­présentation fonctionnelle de la conduite par le sujet à partir de plusieurs sources alimentant en informations : les unes ex­ternes, les autres in­ternes.

Schéma de fonctionnement de la représentation fonctionnelle de la conduite

Ce schéma, dont l’ordre artificiel des opérations pourrait déjà in­diquer une inscription dans le temps, doit être lu comme un proces­sus d’inter-ré­tro-actions permanent.
Le “tourbillon” que cons­ti­tuent les relations entre les diverses informations et leurs trans­for­mations, pour pouvoir diriger ef­ficacement l’action, doit être “organisé” au­tour d’un “axe”, un sens, “maintenu” par l’orien­ta­tion des buts ini­tiaux. Essayons de dé­composer ce pro­cessus dans son déroulement temporel (presque si­multané).

La représentation fonctionnelle est élaborée à partir des be­soins, des at­tentes, des intentions, des motivations du sujet dans une si­tua­tion donnée. C’est-à-dire provoquée en même temps par des in­forma­tions d’ori­gine in­terne (en mémoire) et externe, dans le rapport du sujet avec son environ­nement.

Les buts, les stratégies, les données nécessaires, ne peuvent être éta­blis qu’à partir d’un moment, d’un état, d’un point, qui servira de ré­fé­rent au re­pérage de l’évolution de l’action. Cette évolution se déroule dans le temps et nécessite, pour en évaluer les effets/­consé­quences, l’élaboration d’un point de repère.

Ce repère établi arbitrairement, ou selon des règles, prend le sta­tut de valeur discrète[1] sur le continuum du déroulement de l’ac­tion et permet la mesure des effets et le réglage de l’action.

Ces informations sont en changement permanent.

L’action du sujet modifie l’environnement. En retour les infor­ma­tions en provenance de l’environnement (feed-back) changent égale­ment. L’analyse de ces informations (leur perception et leur significa­tion) ne peut se faire que par rapport à des éléments relativement stables, per­mettant la compa­raison entre l’attendu et le ré­sultat de l’action. C’est-à-dire des­quels un certain nombre de pro­priétés, d’in­variants peuvent être reconnus, conservés ou modifiés et utilisés par le sujet.

La perception de ces invariants devient le point nodal de ce pro­ces­sus. La diversité des contextes ne peut pas être inscrite dans le réper­toire des connaissances du sujet, celui-ci ne peut faire appel qu’à la re­cherche des invariants. En effet, ils consti­tuent les bases des trans­ferts et de la générali­sation. Ils servent de critères de sé­lection parmi les connaissances acquises (stockage interne[2]) qui permettent l’adap­tation des schè­mes d’action.
Pour que le fonctionnement soit adapté il est nécessaire que le « stockage » (= engrammation = inscription en mémoire) soit correct.
A ce stade, on peut comprendre l’évidence de cette étape du processus pour faire des hypothèses sur l’impossibilité que le sujet peut avoir pour retrouver ce qu’il cherche (les clés de la voiture, par exemple).
Dans ces situations trop souvent « on » invoque « Alzheimer« , alors qu’il pourrait s’agir d’altérations des fonctions liées à la connaissance dites « cognitives », liées à un dysfonctionnement de l’alimentation de la représentation fonctionnelle de la conduite, notamment « l’inscription en mémoire » toujours liée à un contexte.
Selon l’attitude du sujet au moment de « l’inscription en mémoire » l’engrammation sera plus ou moins « nette » et réutilisable. Par exemple, la concentration (prise d’indices, mises en relation avec des savoirs acquis, des situations similaires, etc. ; c’est-à-dire tout ce qui faciliterait la possibilité de s’en souvenir) ou l’implication affective (évènement ou contexte à « résonance » ou retentissement importants) faciliteront, ou non, la mobilisation (« réutilisation ») des éléments permettant la conduite adaptée attendue par le sujet (retrouver ses clés, reconnaître un lieu, etc.).

[1] Dans le sens étymologique utilisé en mathématique : (discretus) séparé, mis à part .
[2] Cf.  Ross B. M. et Furth H. G., “Les fonctions de stockage”, Encyclopédie de la Pléiade, 1987, p. 715.